Protéger le Léman de la pollution aux microplastiques
Chargé de projet à l’ASL (Association pour la Sauvegarde du Léman), Alexis Pochelon revient sur ces matières plastiques, visibles ou invisibles, qui polluent le lac et fragilisent sa faune et sa flore. Pour Troger, il explique ce que sont les microplastiques, décrit les risques qu’ils représentent pour l’environnement et insiste sur ces changements de comportement qui permettront de sauvegarder le Léman.
Troger. Que sont les microplastiques ?
Alexis Pochelon. Les microplastiques sont de petites particules de plastique dont la taille est comprise entre 5 millimètres et 1 micron, soit 0,001 millimètre. En dessous de cette taille déjà infime, on parle de nanoplastique. Les fragments supérieurs à 5 millimètres sont quant à eux qualifiés de macroplastiques. Au sein des microplastiques, on distingue par ailleurs deux grandes familles : les microplastiques primaires, des microbilles utilisées telles quelles essentiellement par l’industrie, et les microplastiques secondaires qui eux, sont issus de la fragmentation d’items en plastique, une bouteille par exemple.
Depuis quand ces particules de plastique sont-elles étudiées ?
L’usage quotidien du plastique est relativement jeune : quelques dizaines d’années environ. C’est depuis le début des années 2000 que les scientifiques se penchent sur la question des microplastiques et c’est seulement depuis 10 ou 15 ans que le grand public a conscience de l’existence de ces particules. Les microplastiques et les macroplastiques bénéficient d’ores et déjà de plusieurs études. En effet, ils peuvent être étudiés à l’œil nu et avec des outils tels que des microscopes. En revanche, les nanoplastiques sont plus difficiles à étudier et à évaluer.
Dans quelle mesure sont-elles présentes dans le Léman et d’où viennent-elles ?
En 2018, l’ASL a mandaté le Dr Julien Boucher pour réaliser une étude afin de modéliser les intrants de plastiques dans le Léman. Il en ressort que chaque année, 50 tonnes de plastique entrent dans le lac. Moins de 2 % de cette masse proviennent des eaux usées et des retombées atmosphériques. La grande majorité des plastiques présents dans le Léman sont acheminés par les eaux de ruissellement. Ils viennent également des déchets, emballages et littering représentant tout de même 10 tonnes de plastique par an. Pour autant, c’est la poussière de pneus (30 tonnes) qui est en grande partie responsable de la pollution du lac aux microplastiques.
Quelles sont les conséquences de ces particules de plastique sur l’environnement et sur la santé ?
À peine 10 % des plastiques du lac sont évacués par le Rhône. Le reste se dépose progressivement dans les couches sédimenteuses du lac Léman. Les particules de plastique représentent avant tout un risque « physique » pour la faune, notamment quand elles sont ingérées : étranglement, abrasion du tube digestif, remplissage de l’estomac en lieu et place de matières nutritives… À ma connaissance, sur le Léman, aucun oiseau n’a encore été retrouvé mort avec un estomac rempli de matières plastiques. Ce phénomène très médiatisé concerne – pour le moment – uniquement les espèces marines. Cela étant dit, on a tendance à penser que, l’être humain étant au sommet de la chaîne alimentaire, nous ingérons des microplastiques dès lors que nous consommons un poisson qui en aurait lui aussi ingéré. Pour autant, ces particules restent dans l’appareil digestif et sont naturellement excrétées, sans qu’elles traversent au passage les parois cellulaires. Toutefois, elles peuvent contenir des produits chimiques, dont l’impact est difficilement mesurable. Il en va de même des nanoplastiques. Dans l’état actuel de la recherche scientifique, rien n’indique pour le moment qu’ils aient des conséquences sur la santé.
Comment lutter contre les microplastiques ?
La meilleure solution pour limiter les microplastiques dans le lac Léman revient à limiter notre consommation de plastique. Cela signifie éviter les produits à usage unique, comme les sacs, la vaisselle, les bouteilles, etc. Et quand on produit des déchets, il est indispensable de les jeter dans les bonnes poubelles afin qu’ils soient incinérés ou recyclés. Nous devons changer nos habitudes. Cela concerne aussi notre façon de conduire. En adoptant une conduite écoresponsable, voire en limitant nos déplacements, nous produisons moins de poussière de pneus.
Quelles sont les actions menées par l’ASL pour remédier à ce problème ?
Nous agissons en amont du problème, en sensibilisant le public à la nécessité de modifier nos comportements. Nous essayons également d’être proactifs auprès des institutions afin que les politiques se saisissent du problème. En aval, l’ASL organise régulièrement des actions en faveur de la préservation du lac comme Net’Léman. Mais nos opérations de nettoyage concernent uniquement les déchets visibles à l’œil nu. Pour ce qui est des nanoplastiques et des microplastiques, nous sommes partie prenante des réflexions menées pour lutter contre ces très petites particules. Nous essayons d’agir sur tous les fronts pour prendre soin du Léman.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’Association pour la sauvegarde du Léman