
Troger Values – Votation communale du 24 novembre 2024 : elle passera, cette passerelle ?
Les Genevois seront appelés à se prononcer sur la création d’une passerelle piétonne, en amont du pont du Mont-Blanc. Ce projet évalué à 55 millions de francs est controversé pour des raisons budgétaires, mais aussi sur la question plus philosophique de son empreinte architecturale sur un site symbole de la ville.
La passerelle piétonne du Mont-Blanc, projet ambitieux situé en amont du pont éponyme, vise à offrir aux piétons un espace sécurisé et dédié pour traverser le lac. Depuis vingt ans, l’usage du vélo à Genève a fortement augmenté, générant des défis croissants en matière de mobilité urbaine, notamment sur le pont du Mont-Blanc. Chaque jour, cette artère voit passer plus de 14 500 piétons, 6 900 cyclistes et 47 000 véhicules, ce qui rend la cohabitation difficile et parfois dangereuse entre les usagers.
Afin de fluidifier les déplacements et d’améliorer la sécurité, la Ville de Genève a lancé en 2012 un concours pour la conception d’une passerelle piétonne, remporté par Pierre-Alain Dupraz Architectes et INGENI. Ce projet permettra de séparer les flux : les piétons utiliseront la nouvelle passerelle, tandis que les cyclistes bénéficieront d’une piste cyclable bidirectionnelle sur l’actuel trottoir du pont, complétant ainsi le « U » lacustre cyclable.
Le financement de ce projet, estimé à 54,6 millions de francs, est partagé entre la Ville (26 millions), le Canton, la Confédération et un donateur privé. Après avoir été approuvé par le Conseil municipal en février 2024, le projet sera soumis au vote de la population lors du référendum de novembre 2024.
Nous vous proposons une synthèse de deux avis opposés, exposés dans un récent article de la Tribune de Genève le 02.10.2024.
Les arguments du pour
La députée verte Marjorie de Chastonay souligne que le pont du Mont-Blanc, actuellement saturé, est inadapté aux piétons et aux cyclistes, qui doivent partager un espace insuffisant, augmentant ainsi les risques d’accidents.
La passerelle permettrait de séparer les flux de piétons et de cyclistes, offrant davantage de sécurité et de confort.
Elle viendrait également compléter le « U » cyclable autour de la rade, avec une piste bidirectionnelle continue pour les vélos.
De plus, la passerelle deviendrait un lieu de promenade et de rencontre, avec des vues imprenables sur le lac, accessible à tous, y compris aux personnes à mobilité réduite.
Ce projet est présenté comme une première étape vers le développement des mobilités actives à Genève, en cohérence avec une vision plus verte et durable pour la ville. Soutenue par la Ville, le Canton, la Confédération et une fondation privée, cette infrastructure répond concrètement aux besoins actuels de mobilité.
Les arguments du contre
Leila El-Wakil, Historienne de l’architecture, secrétaire de SOS Patrimoine, s’oppose à la construction de la passerelle du Mont-Blanc à Genève pour plusieurs raisons.
Selon elle, le pont des Bergues est déjà une voie dédiée à la mobilité douce, rendant cette nouvelle construction inutile.
Le projet, lancé en 2011 et finalement adopté en 2024, aurait vu ses coûts exploser à 58 millions de francs, sans compter les dépassements futurs.
Leila El-Wakil critique la largeur de 3 mètres du pont, qu’elle qualifie de « barrière visuelle » dénaturant la vue sur le lac, et estime que cela va à l’encontre des protections patrimoniales de la rade, prévues par des plans adoptés en 1978 et modifiés en 2020.
Elle reproche également à ce projet d’être un symbole d’une « nomenklatura verte » qui, sous prétexte d’écologie, crée une autoroute à vélos coûteuse et énergivore, en dépit de son impact environnemental, notamment par l’usage de 1 500 tonnes d’acier et de béton.
Enfin, le scénario d’une voie cyclable bidirectionnelle au pont du Mont-Blanc soulève des préoccupations concernant la sécurité des piétons et la congestion à des endroits clés, comme le Jardin anglais.